L’esthétique du sourire, la nouvelle donne

" Soigner, embellir et redonner confiance en soi " - Claire MANICOT

Dans notre société où l’image que l’on donne de soi est importante, afficher un beau sourire avec des dents lumineuses et alignées est une demande de plus en plus fréquente des patients. Les chirurgiens-dentistes proposent tout un arsenal thérapeutique pour y répondre.

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Le "sourire dents blanches" fait partie des critères de beauté contemporains, il s’expose aujourd’hui sur les affiches publicitaires, les couvertures de magazine et les réseaux sociaux. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Si l’on observe l’histoire des arts, on retrouve des sourires à peine esquissés chez les momies des pharaons, les sculptures grecques et quelques peintures de la renaissance comme "la Joconde" ou "Sainte-Anne, la vierge et l’enfant Jésus" de Léonard de Vinci. "Au moyen-âge et à la renaissance, la plupart des portraits montrant des dents exprimaient la bestialité, la violence ou bien la grivoiserie", explique Marc-Gérald Choukroun, orthodontiste à Paris et amateur d’art. "Il faut attendre la fin du dix-neuvième siècle pour voir apparaître le sourire moderne par la prostitution avec Toulouse Lautrec qui montre les filles de joies des maisons closes de Paris. Peu à peu, la symbolique du sourire évolue vers l’érotisme, le glamour puis l’élégance.
Au début du vingtième siècle, les actrices du cinéma muet en noir et blanc sont obligées d’accentuer leurs expressions, de montrer leurs dents pour marquer la joie et de se maquiller à outrance. C’est à ce moment-là que les femmes bourgeoises s’approprient ces nouveaux codes."

JEUNESSE, SANTÉ ET BONHEUR

La bouche devient symbole de jeunesse, de santé et de bonheur. "Dans mes premières années de pratique, poursuit Marc-Gérald Choukroun, la consultation en orthodontie était motivée par des problèmes fonctionnels, aujourd’hui les patients réclament des dents alignées". Un sondage publié en 2015 sur le site de la fédération française d’orthodontie montre que 35 % des français portent ou ont porté un appareil dentaire pour avoir "des dents joliment alignées", plutôt que "d’améliorer la mastication" ou de "soulager les douleurs dentaires". Pour Ruben Monsonego, chirurgien-dentiste à Nice, la pandémie de Covid a suscité un regain d’intérêt pour l’orthodontie à visée esthétique car il est plus discret de suivre un traitement de la sorte quand on porte un masque. Si l’orthodontie est la discipline incontournable pour corriger un décalage de la mâchoire, des positionnements disgracieux des dents, l’omnipratique n’échappe pas à l’essor de l’esthétique.

UNE PALETTE THÉRAPEUTIQUE TRÈS LARGE

"Depuis cinq ans, dans mon cabinet, la demande esthétique augmente que ce soit chez les femmes de 50-65 ans ou les plus jeunes", constate Marianne Franchi, chirurgien-dentiste à Puilboreau (Charente-Maritime). De son côté, Marie Clément, chirurgien-dentiste à Lyon, a ouvert il y a six ans un cabinet dédié à l’esthétique qui ne désemplit pas. Elle propose une prise en charge personnalisée avec une large palette thérapeutique : éclaircissement, composites stratifiés, traitement des taches de l’émail à l’aide de l’érosion infiltration, facettes en céramique et traitement de l’érosion dentaire avancée à l’aide d’une dentisterie adhésive et conservatrice. "Pour réaliser un travail de qualité et de précision, je travaille avec des prothésistes passionnés et qualifiés dans ce domaine et je réalise des simulations numériques du sourire de mes patients avec le Digital Smile Design (DSD)", explique la praticienne. "Je donne régulièrement des formations à ce sujet. C’est juste une méthodologie à apprendre."

PLAIDOYER POUR LE NATUREL

À force de vouloir atteindre un certain idéal de beauté, toutes les bouches se ressembleront-elles demain ? "Sûrement pas, répond Marie Clément. Je ne recherche pas la symétrie parfaite mais le sourire le plus naturel."

Écouter la demande du patient, observer, échanger c’est essentiel. L’incisive qui a une légère rotation, une mâchoire en avant, ou un diastème, c’est parfois un élément qui apporte une particularité, un dynamisme à un visage. Comme un joli grain de beauté sur la joue. "Certaines caractéristiques physiques sont la résultante d'une prédisposition génétique qui nous impose une certaine prudence au moment de préparer le plan de traitement, renchérit Ruben Monsonego. Quand je reçois mon patient, je l’installe au fauteuil avec un miroir et je lui dis : "Regardez votre sourire, dites-moi ce qui vous plaît, ce que vous attendez de moi."

Corriger un défaut, réparer des dents abîmées, ce n’est pas rien. "Intervenir sur le corps, c’est changer l’angle de son rapport au monde", fait remarquer le sociologue David Le Breton, (sociologue, professeur à l’Université de Strasbourg, spécialiste du rapport de l’être humain au corps). Il vient d’écrire un ouvrage intitulé "Sourire, anthropologie de l’énigmatique" dont la publication est prévue en mars 2022 aux Éditions Métailié, collection Traversées. Déjà paru en 2018 : "Rire, une anthropologie du rieur." Ruben Monsonego se souvient avoir reçu Sarah, une adolescente renfermée, mutique et négligée qui avaient huit caries et un diastème qui la complexait. Au fil des séances, je l’ai vu littéralement s’affirmer, se transformer physiquement, elle venait coiffée et soignée dans son habillement." "Dernièrement, témoigne de son côté Marianne Franchi, j’ai fait un gros travail de restauration chez un homme dont les deux-tiers des dents étaient usées par le bruxisme. J’ai posé des prothèses et des "table tops", ce sont des fines pellicules de céramique que l’on colle sur la face occlusale des dents, pour augmenter leur dimension verticale. Il était hyper content de pouvoir à nouveau sourire".  Pour les praticiens, c’est la récompense du travail accompli.